Où on va, papa?
de Jean-Louis Fournier
Personnellement je n'ai pas pu aller plus loin que le dos du livre mais je sais de quoi il parle. Ce n'est pas un roman, ce n'est pas une fiction.
C'est notre quotidien de parents d'enfants extra-ordinaires.
Toutes ces questions, ces angoisses, ces défis, ces ressource de patience... qu'on tente d'oublier pour se concentrer sur les petites victoires du quotidien, les sourires, les câlins enfin gagnés...
Les voir alignés devant moi, les lire noir sur blanc à travers les mots d'un autre parent qui pourrait si bien être moi, je n'en suis pas encore capable.
Mais comme tous les parents d'enfants "différents" (ah parce qu'il y en a qui ne le sont pas?) je remercie cet auteur d'avoir fait cela pour nous, pour faire connaître aux autres parents notre ressenti, nos émotions, nos luttes quotidiennes.
Parfois je me dis que cela n'est pas tout à fait exact car sur de nombreux points j'ai plus de facilité que les autres parents, mais ces mots sont si justes, ils font si bien écho à ce que je voudrais dire:
"Cher Mathieu, cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j’ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de
vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler
ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs
fois.
Je ne l’ai jamais fait. Ce n’était pas la peine, vous ne saviez pas
lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu’à la fin, vos cadeaux de Noël
seront des cubes ou des petites voitures…
Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais parlé
de mes deux garçons. Pourquoi ? J’avais honte ? Peur qu’on me plaigne ?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c’était pour échapper
à la question terrible : « Qu’est-ce qu’ils font ? »
Aujourd’hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que
je suis de plus en plus biodégradable, j’ai décidé de leur écrire un
livre. Pour qu’on ne les oublie pas, qu’il ne reste pas d’eux seulement
une photo sur une carte d’invalidité. Peut-être pour dire mes remords.
Je n’ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas.
Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance,
comme quand on parle d’une catastrophe. Pour une fois, je voudrais
essayer de parler d’eux avec le sourire. Ils m’ont fait rire avec leurs
bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j’ai eu des avantages sur les parents d’enfants normaux.
Je n’ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation
professionnelle. Nous n’avons pas eu à hésiter entre filière
scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir
ce qu’ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait : rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j’ai bénéficié d’une vignette
automobile gratuite. Grâce à eux, j’ai pu rouler dans des grosses
voitures américaines.
Jean-Louis Fournier"